Quand j'étais fleur
Je poussais, je m'étirais, j'étais une, une qui rampe, une qui s'enroule, une qui s'élève, une qui espère toucher la lumière au plus près de sa source. J'avais l'éternité pour y arriver, j'étais immortelle. Sur mes bras, un matin, un bourgeons d'ifférent a pointé. J'ai senti au fond de moi l'automne en plein été, la grisaille en plein soleil, ma sève épaissie. Au premier bouton, malgré mes paisibles allures une soif que rien n'étanche a envahi mes parois, mes espaces, mes veines, en appel d'un surcroit de vide. Je me suis regardée fleurir et j'ai versé le nectar d'une première larme. L'amour en moi me rongeait jusqu'à la moelle. Le désir m'intimait de m'oublier, de laisser se disséminer au pluriel ce que je fus, multiple en une seule, et de mourir.
Christine Van Acker, L’en vert de nos corps
Ana Mendieta, Imágen de Yágul / Image from Yágul, 1973